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Facebook, interdit aux moins de 13 ans

Un des multiples détournements des couvertures de la série de livres pour enfants "Martine"

Facebook avant 13 ans? Pour ou contre? Théoriquement impossible, comme manipulation (lorsque vous rentrez votre date de naissance, s’il apparaît que vous avez moins de 13 ans, vous êtes refoulé). Sauf que c’est uniquement déclaratif (un peu comme le « je certifie avoir 18 ans » des sites pornographiques), et qu’on peut donc facilement tricher. Et qu’on le fait, puisque, d’après cet article, 21% des jeunes de 9-12 ans en France ont un compte Facebook. Je ne vois pas comment on peut en faire des statistiques, puisque, étant bannis du réseau, on ne peut pas les compter, mais enfin. Admettons.

Dans la suite de l’article, la journaliste nous montre plein d’interviews alléchantes de gens qui veulent défendre la vie privée, la sécurité, « la dignité et l’intégrité des enfants » (magnifique, non?) sur internet, ce qui est en soi un but tout à fait louable. Un enfant doit être protégé, bien sûr. Et il est évident que Facebook peut être un moyen de parvenir à des fins criminels, pour un gouvernement comme pour un individu déterminé. D’où, disent ces personnes savantes et intelligentes, un usage interdit ou « très contrôlé » et avec « un suivi pédagogique ».

Sauf que je ne suis pas d’accord sur le fond avec ces gens. La plupart ont je pense dans les quarante cinquante ans, et font donc probablement partie de la génération dont j’ai déjà parlé, qui a éduqué ses enfants en lisant des livres. J’ai déjà dit tout le bien que je pensais de cette méthode. J’y ajouterais, pour le cas que nous étudions içi, que les parents et les enfants ont une grosse différence; ce qu’on appelle la fracture numérique. Les enfants de moins de 13 ans ont grandi dans un monde rempli des nouvelles technologies de l’informations et de la communication (TIC, en jargon). Il suffit de se ballader dans la rue pour voir des publicités pour 3 ordinateurs, 18 téléphones, des services disponibles sur internet, etc.

D’autant plus que, pour la grande majorité d’entre eux, ils vivent dans des foyers qui sont équipés, au minimum, d’un téléphone portable (un parent au moins) et d’un ordinateur, même vieux, ou vont au cybercafé. Eux savent ce qu’est un réseau social, savent utiliser le web 2.0, même s’ils ne savent pas ce que c’est (si vous non plus vous ne savez pas, reportez-vous au petit lexique en fin d’article). Contrairement à leurs parents, qui ont dû apprendre, presque toujours sur le tas, et, souvent, sans prendre la peine de faire des recherches pour comprendre vraiment un phénomène, s’en tenant à ce qu’ils ont entendu de leurs collègues (qui n’ont pas plus compris, soit dit en passant). Bref, les enfants connaissent mieux l’internet que leurs parents (pour une bonne partie d’entre eux; il y a toujours des exceptions, inutile de me le rappeler en citant votre mère/père/oncle/tante, etc).

Ajoutons encore que contrôler « fortement » l’utilisation d’internet et des réseaux sociaux, surtout en y ajoutant un « suivi pédagogique », c’est faire perdre du temps à tout le monde (et de l’argent, car il faut du personnel, à moins qu’on s’en décharge sur les parents, mais comme ils n’y connaissent pas grand chose, il faudrait les former…), c’est dangereux (comment empêcher les excès? Protéger les enfants, c’est aussi les protéger de l’intrusion parentale et scolaire dans leur vie…), et c’est ne montrer qu’un côté de l’internet. On dit que c’est dangereux, mais on ne dit rien des bénéfices qu’on peut tirer d’internet. Pourquoi?

Plusieurs raisons à cela. La première est la tendance généralisée en France chez les quarante-soixante ans à surprotéger les enfants de tout et n’importe quoi. Ce qui fait que de nombreux enfants sont, on peut même le dire, assistés, à force d’être bercés dans cette sécurité qu’apportent les parents. En effet, si les parents prennent sur eux tous les dangers auxquels l’enfant peut être confronté, comme c’est le cas des propositions pour internet (les parents s’occupent de régler les paramètres de sécurité, de regarder ce que font leurs enfants, avec qui ils deviennent amis, etc), les enfants ne savent plus faire face à des difficultés. Or, c’est aussi sur les difficultés et dans les échecs que l’on se construit. Ce n’est pas juste une phrase en l’air. Dans sa vie professionnelle, le jeune adulte connaîtra des problèmes et des échecs. Dans sa vie sentimentale aussi. On peut le regretter. Mais on apprend de ses erreurs, et empêcher l’enfant de se tromper élimine les erreurs.

Alors oui, il y a échec (ou erreur) ou échec (ou erreur), et accepter un pédophile comme ami sur Facebook n’est pas se casser la figure en vélo parce qu’on ne se tient pas assez droit. Mais il ne faut pas abuser de la protection, qui, souvent, devient une oppression pour l’enfant, qui exprimera donc son humeur. Ses parents en souffriront alors, se diront que c’est à cause d’un de ses amis sur Facebook, augenteront le contrôle, ce qui ne fera qu’aggraver le problème, etc.

Une autre raison pour taire les bénéfices d’internet est que la France, dans l’ensemble, n’a pas compris internet. Une preuve? L’éphémère secrétariat d’Etat qui y était dédié s’appelait secrétariat de l’Economie Numérique, c’est-à-dire uniquement du business qu’on peut faire grâce à internet. Bref, en France, internet, c’est ou pour rencontrer des prédateurs sexuels (puisque c’est le terme) ou pour améliorer la réactivité des services qui font du fric. Soit une infime fraction de ce que c’est en réalité. J’en veux pour preuve que nous sommes un des seuls pays au monde à refuser l’utilisation d’internet dans la recherche scientifique (essayez donc d’écrire une thèse basée sur des sites internet), à nier son utilité dans les processus administratifs (même si ca commence lentement, avec par exemple la déclaration en ligne), etc.

Bien sûr qu’on trouve des renseignements faux sur internet. Mais dans les livres aussi. En lisant cinq bouquins théoriquement scientifiques vous pouvez apprendre cinq créations de l’univers différentes. Un même auteur peut dire différentes choses (regardez Hawking); il existe des publications des sectes sur papier comme en ligne; les gros entrepreneurs qui essaient de modifier l’information de façon à ce qu’elle leur soit favorable, c’est aussi dans la vie réelle. Bref, les livres ne sont pas nécessairement plus vrais que les sites internet, et ce n’est pas parce que c’est écrit dans un livre que c’est vrai. Mais rares sont les personnes de plus de quarante ans à l’avoir vraiment compris et admis, et encore plus rares celles qui disent aux plus jeunes « internet peut racconter des conneries, mais les livres aussi. Fais des recherches croisées, et tu trouveras ce que tu cherche. »

Concluons sur ces quelques mots : pour ce qui est d’internet comme pour ce qui est de la drogue, la France est arriérée jusque dans les mots. Une preuve? Alors que tous les pays du monde disent « les drogues » pour en parler, la France généralise avec « la drogue »; alors que tous les pays du monde ont conservé le vocabulaire anglais de l’informatique, ce qui permet une évolution rapide des personnes face aux techniques de l’informatique, la France attend toujours des traductions (logiciel = software, matériel = hardware, octet = byte, etc). Une autre preuve, c’est qu’on parle toujours de pirates (à la limite de hackers) pour désigner toutes les attaques informatiques possibles (attaque par déni de service, phishing, etc), alors que ce sont différentes personnes, avec des buts et des moyens différents (cf le petit lexique ci-dessous).

Petit lexique d’internet à destination des gens qui en auraient besoin :

Un geek est un gros utilisateur d’internet (et, plus généralement, de l’ordinateur), qui aime bidouiller son ordinateur, tant au niveau du matériel (ajout de ventilateurs, de barrettes de mémoire… On appelle tout ce qui est matériel hardware) qu’au niveau des logiciels (software). En général, il aime télécharger plutôt qu’acheter, et utilise volontiers un système d’exploitation alternatif. Il peut être no-life (quelqu’un qui passe son temps devant l’ordinateur et n’a donc plus de vie sociale), mais pas nécessairement.

Un noob (ou newbie) est un débutant. Ne pas confondre avec un kevin, qui est un incompétent.

Les abbréviations internet : OMG (Oh My God = oh mon dieu), OMFG (Oh My Fucking God = oh bordel de merde), ROFL (Rolling On the Floor Laughing = Je m’en tords de rire), ASV (Age, Sexe, Ville; demande d’informations sur les chats internet), GG (Good Game = bien joué), dl (downloader = télécharger), ++ (à bientôt), WOW (World of Warcraft, un jeu de rôle médiéval-fantastique en ligne), DTC (Dans Ton Cul; c’est également un site internet, DansTonChat), IRL (In Real Life; se dit de la vie réelle, à distinguer de la vie informatique), VDM (VieDeMerde, un site internet humoristique), TLBM (Tu L’as Bien Mérité), pr0n (pour désigner le contenu pornographique sans se faire repérer par les filtres parentaux), pwned (ou owned; se dit lorsque l’interlocuteur s’est fait avoir), fail (ou epic fail; se dit lorsque l’utilisateur a commis une grosse erreur ou a prouvé sa nullité), plus quelques autres plus spécifiques à certains environnements, comme des jeux (NS pour Nice Shot dans les jeux de tir, TY pour remercier dans ces mêmes jeux, etc). N’oublions pas FB pour désigner Facebook ou la Mule pour désigner EMule (logiciel permettant de télécharger d’autres logiciels par P2P). Ajoutons-y encore HTTP (HyperText Transfer Protocol, qui détermine le mode d’échange de données entre ordinateurs) et WWW (world wide web, le réseau qu’on appelle couramment internet mais qui n’en est en fait qu’une partie).

Un pirate, c’est un assaillant informatique. On les appelle aussi hackers en français, mais en réalité les hackers n’en sont qu’une fraction. Ce sont des personnes qui peuvent agir en groupe (comme les Anonymous, qui s’en sont pris récemment au site du FBI et indiquent vouloir s’en prendre maintenant à la Réserve Fédérale Américaine), individuellement (comme Kevin Mitnick) ou pour le compte d’un gouvernement (comme les informaticiens de Tsahal avec le ver Stuxnet récemment). Ils peuvent pénétrer dans un réseau pour y trouver des données potentiellement utilisables (espionnage industriel ou revente d’informations à des sites de vente particulières), pénétrer dans un réseau pour le détruire (sabotage industriel), empêcher les utilisateurs d’accéder à des informations (en saturant le site visé de requête, ce qui empêche le serveur de les satisfaire toutes; on appelle cela une attaque par déni de service), casser les protections d’un logiciel (par exemple les protections anti-copie des dvds; on les appelle alors des crackers). On distingue grosso modo les gentils et les méchants par la couleur de leurs chapeaux : les chapeaux blancs sont les experts en sécurité, qui ne rentrent dans les systèmes que pour évaluer leurs sécurités et les améliorer; les chapeaux noirs sont des méchants qui cassent tout (simplifions); les chapeaux gris sont des méchants, mais qui font cela juste par goût de l’exploit, et pas pour exploiter les données récupérées. On peut y ajouter les gens qui n’y connaissent rien mais qui ont trouvé un script pour pirater sur un site dédié (les amateurs, quoi).

L’internet, c’est un réseau de réseau. Une entité qui relie entre eux les différents réseaux informatiques (dont le World Wide Web, qui est ce qu’on appelle en fait au quotidien l’internet, mais qui n’est qu’un des réseaux de l’internet). (Petite parenthèse : http est le nom du protocole, c’est-à-dire du mode d’échange des données sur le world wide web)

Le web 2.0 est le web participatif, par opposition au web 1.0, qui est informatif. Pour faire simple, le web 1.0, ce sont les pages internet qui vous informent d’un truc, mais où vous ne pouvez pas réagir, vous en tant que lecteur. Le web 2.0 vous permet d’être un peu auteur; typiquement, c’est Wikipedia, c’est Facebook.

Le cloud (« cloud computing ») est une relative nouveauté. Cela consiste à « délocaliser » vos informations sur un serveur distant plutôt que sur votre ordinateur, ce qui évite d’encombrer la mémoire et permet un partage plus simple avec d’autres utilisateurs. Inconvénients : il faut récupérer vos données sur le serveur à chaque utilisation; il faut être sûr des serveurs distants, pour éviter qu’ils soient piratés.

Un système d’exploitation (OS) est le programme qui permet à tout votre ordinateur de fonctionner. On distingue principalement Windows (OS propriétaire, propriété de Microsoft), Mac OS (OS propriétaire, propriété d’Apple) et les Linux (OS libres). Linux se divise en une multitude d’OS différents, car il est basé sur le principe du partenariat (chacun peut développer des fonctions à ajouter dans l’OS et les partager avec d’autres utilisateurs, ce qui garantit des nouveautés assez souvent). Parmi les Linux, on distingue principalement Ubuntu et Debian. Il existe aussi d’autres OS beaucoup plus rares, tels Solaris, mais ce sont plutôt des systèmes d’exploitation pour informaticiens car ils demandent de nombreuses connaissances.

Un serveur est une sorte de super-ordinateur, qui est un passage obligé pour accéder à internet. Toutes les connexions d’une région données sont redirigées sur un serveur, qui leur fournit l’accès à internet. On désigne aussi par serveur les banques de données (comme celles du cloud computing), qui fournissent un accès à tous les utilisateurs à leur réseau interne.

Un script est une écriture informatique qui permet à l’ordinateur d’accomplir une action. En fait, l’ordinateur est comme un golem : il fait ce qu’on lui à écrit à l’intérieur. Sur un mac (les ordinateurs avec une pomme dessus), vous pouvez utiliser les scripts à travers les applications Terminal (qui permet d’écrire n’importe quel script, et, en mode super-user, de le faire exécuter par l’ordinateur) et Automator (qui permet d’automatiser certaines actions, par exemple l’ouverture de documents).

Un virus est un programme informatique inséré généralement à l’insu du propriétaire de l’ordinateur, et pouvant avoir principalement deux buts : récupérer des données confidentielles; saboter l’ordinateur pour en empêcher l’utilisation. Un virus est une application et nécessite donc d’être caché dans une autre application pour être discret. Il faut une action de l’utilisateur pour qu’il y ait une « contagion » d’autres ordinateurs.

Un ver, à ne pas confondre avec le virus, est un programme très léger (rarement plus de quelques ko), qui se diffuse seul à d’autres ordinateurs, en exploitant les connexions entre ordinateurs. Il causent rarement de gros dégâts par eux-mêmes, mais peuvent indirectement en causer. Ainsi, Stuxnet, ver envoyé (à peu près certainement) par Tsahal (l’armée israelienne) dans les ordinateurs des centrales nucléaires iraniennes, a causé l’arrêt de toutes les centrifugeuses desdites centrales, malgré sa simplicité apparente. Il avait pour unique fonction de décaler de quelques centièmes de secondes la vitesse affichée des centrifugeuses. Ainsi, les opérateurs, voulant réajuster les vitesses de toutes les centrifugeuses pour qu’elles soient toutes cadencées, les ont déréglées eux-mêmes. Ce ver a porté un coup décisif au programme nucléaire iranien, que les experts estiment retardé de 6 à 10 mois.

Un ko (kilo-octet) est une unité de mesure de la mémoire d’un ordinateur. La mémoire permet de stocker des informations; plus elle est grande, plus vous pouvez en stocker. En anglais, un octet se dit un byte (et un kilo-octet un kilo-byte). Un kilo-octet correspond à mille octets, un méga-octet (Mo) à mille kilo-octets, un giga-octet (Go) à mille méga-octets et un téra-octet (To) à mille giga-octets. Aujourd’hui, la plupart des mémoires d’ordinateurs personnels font dans les 250 à 500 Go. Attention à ne pas confondre un byte avec un bit, qui correspond à une fraction d’octet (un huitième, en général).

Le P2P désigne un mode de partage de fichiers (logiciels et données) de pair à pair (peer to peer en anglais). En gros, vous mettez à disposition des autres utilisateurs des fichiers, qu’ils peuvent télécharger puis remettre à disposition, et, lorsque vous téléchargez, chaque ordinateur possédant le fichier vous en envoie une fraction, ce qui accélère notablement le débit comparé à une connection internet habituelle. C’est aujourd’hui un système moins utilisé, mais encore assez habituel sur les forums d’habitués. Le principal logiciel de P2P est EMule, disponible gratuitement n’importe où.

Le torrent (prononcé à l’anglaise, « torreunnte ») est un système plus récent de téléchargement. Il considère chaque ordinateur comme un serveur, et, ainsi, accélère encore le temps de téléchargement. On distingue les « sources » (seeds), qui ont le fichier original mis à disposition, et les « pairs » (peers), qui ont des copies de ce fichier. Plus ils sont nombreux, plus le téléchargement ira vite. Bien évidemment, des fichiers courants (des séries télé à succès, par exemple) sont plus répandus et donc plus rapides à télécharger que des fichiers plus rares (comme des données sur les ordinateurs des années 1990). Vuze est un des principaux logiciels permettant d’utiliser des torrents; il est disponible gratuitement en version de base n’importe où, et vous pouvez acheter une version « évoluée », avec plus de fonctionnalités.

À propos de Louis Tarpin

Traducteur indépendant, je voyage et vous propose mes services en freelance. Traduction, relecture, révision, écriture, transcription, d'anglais ou italien en français, je suis à votre écoute pour produire, ensemble, des textes de qualité. Je tiens également un blog de cuisine et de photographie.

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